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La vie et rien d'autre. (Film de Bertrand Tavernier avec Sabine Azéma et Philippe Noiret) - Texte de Georges Delporte. Mourir, mourir pour sa patrie, faire le don suprême de soi même dans les conditions les plus horribles d'une courte jeunesse, voila bien ce qui attendait les enfants de la belle époque 1900. mourir, oui mais ! en renaissant sur les monuments aux morts ou de longues listes égrenaient les noms de vos chers disparus. En 1919 et 1920, on mourait encore dans les hôpitaux et dans d'atroces circonstances, on finissait, fou, gazé, émietté, ignoré même dans l'amnésie ou dans l'erreur des noms. Quasiment, toutes vos familles ont perdu au moins un des leurs, appelé à la guerre, sans oublier les victimes civiles. Dans les camps de prisonniers et chez les déportés civils, la mort a aussi fait son œuvre. Gloire à ceux qui sont morts au champ d'honneur en laissant leurs noms et leurs corps, ceux de vos familles. D'autres plus obscurs, n'ont pas eu cette chance, les disparus à la guerre sont légion. Disparus ou volatilisés, sans témoins survivants, suspectés d'on ne sait quoi par ce fait, disparus une deuxième fois quand la tombe a été pulvérisée, disparu dans l'ombre d'une exécution sommaire, sans trace, pour ne pas porter atteinte au moral des troupes, disparus par amnésie totale avec un corps devenu fou et méconnaissable dans un hôpital, on dit même que certains réapparaîtrons sous d'autres noms, ajoutant le mensonge à la confusion. La France entière a tenté de faire honneur aux disparus par diverses manières, des pèlerinages sur les lieux de combats et sépultures des champs de bataille, sur les nécropoles des lieux historiques, à vous faire croire que c'est là qu'on y perdait le mieux la vie, du genre : il est mort à Verdun ! On peut toujours trouver la série des guides Michelin des champs de bataille. Et puis, il a fallu, à la demande des familles, rapatrier les corps, reconnaître aussi les siens en allant sur les lieux des combats, pour pouvoir obtenir une pension éventuelle. Sans la reconnaissance éternelle de la nation, les veuves et ayants droits ont eu du mal à vivre, tant et si mal que beaucoup en avaient honte de ne plus retrouver les leurs et de devoir mendier pour survivre avec leurs familles. L'érection des monuments aux morts à la gloire de nos victimes fut lancée vers 1920 et on se cotisa dans de multiples communes, les survivantes, pour voir s'élever un souvenir impérissable de la der des ders. Des associations se créèrent et prirent une part prépondérante dans les formalités funéraires, administratives, pécuniaires parfois et pour le souvenir qu'elles vont vaillamment entretenir, encore de nos jours, qu'elles en soient remerciées. Derrière ces actions généreuses, d'autres vont avoir lieu, souvent plus modestes mais non dépourvues de courage, d'abnégation et de clairvoyance. Il se créa spontanément un refus du monument aux morts dans certaines communes, souvent même, les plus touchées. On ne voulait pas de cette pierre, si une partie était éventuellement payée par la nation, l'autre était souvent à la charge des donateurs. Des communes avaient vu leurs enfants disparaître en grande partie et des familles restées dans le besoin le plus profond, quasi sans revenus, alors que des généraux faisaient le tour de France, tels que des caravanes publicitaires. Certains mêmes, peu après la fin des hostilités, vinrent à décéder dans la paix. On leur fit des funérailles nationales et on poussa la chose à demander aux survivants leur obole. Pendant ce temps là des femmes et des enfants attendaient la juste reconnaissance de leurs droits les plus élémentaires. Il y a peu de temps encore, on parla des fusillés pour l'exemple. C'est presque une joie de savoir qu'enfin, on les avait presque pardonné, tous, on ne sait pas car il n'était pas facile de porter un pantalon rouge. |
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